Tout a été dit sur la signature de Marc Marquez dans l’écurie officielle Ducati. Chacun y allant de son avis, des quidams des réseaux sociaux aux pilotes eux-mêmes. Jusqu’à un certain Valentino Rossi. L’heure est peut-être venue de faire le bilan, toute réserve gardée bien entendu, le bilan final demeurant celui qui aura lieu sur la piste une fois les feux rouges éteints.

Le plateau MotoGP en effervescence
Il n’en fallait pas moins pour que les médias en ligne dédiés au MotoGP surfent sur la vague d’un choix qui allait devenir le débat de fond de cette saison, outrepassant parfois même le duel de titans en cours dans le haut du classement entre Jorge Martin et Pecco Bagnaia. Le tout sur fond de diverses déclarations abondant dans un sens comme dans l’autre. Valentino Rossi s’invitant lui aussi dans le débat.
“Honnêtement, je n’ai pas bien compris cette histoire. Tout semblait joué pour l’arrivée de Jorge Martin dans l’équipe officielle.” s’interroge Rossi. “En tout cas, Bagnaia est prêt, il est double champion de MotoGP et cette année il se bat pour remporter son troisième titre consécutif dans la catégorie reine. Ducati avait mis en place un système intéressant, avec une pyramide qui permettait aux jeunes pilotes de progresser tout en rêvant d’intégrer un jour l’équipe officielle. Martin et Bezzecchi l’espéraient également, mais ils ont décidé de mettre Marc. Il est normal que les jeunes pilotes, fidèles à la marque depuis des années, se sentent trahis.”
Valentino Rossi
Ces déclarations couplées aux récents succès d’Enea Bastianini et aux prestations solides de Jorge Martin – rendant illusoires les espoirs du titre du numéro 93 – sont-elles suffisantes pour désapprouver la décision prise à Borgo Panigale ? Nul ne le sait objectivement mais rien n’empêche de peser le « pour » et le « contre ».
Les arguments en faveur du mauvais choix
- La jeunesse trahie : faisant écho au point de vue exposé par Valentino Rossi lui même, on peut objectivement s’interroger sur la stratégie adoptée après avoir construit les dernières années sur de jeunes talents qui performent aujourd’hui dans la lutte pour le titre. Il semblait évident, vu sous cet angle, qu’un jeune pilote de la filière serait choisi.
- Martin au sommet de sa forme : laisser filer un tel pilote vers une marque concurrente pourrait coûter cher à la marque italienne. Vice champion du monde de l’exercice précédente et très sérieux candidat au titre de celui en cours, Martin est sur l’ensemble des circuits un prétendant à la victoire au sprint comme à la course du dimanche. A l’instar de son rival italien, Jorge aurait pu s’envoler au classement du championnat du monde s’il n’avait pas parfois chuté. Quoi qu’il en soit, il semblait sportivement le meilleur choix à faire si on en croit ses performances.
- Bastianini monte en puissance : la saison avance, les résultats progressent. Sommes nous sur le point de retrouver le « vrai » Bestia ? Sa progression l’a mené à repasser devant Marc Marquez au classement mondial des pilotes et il pourrait se dessiner en candidat au titre à la seule condition de poursuivre avec la même progression.
- L’âge de Marquez : le champion du monde espagnol l’admet lui même : il n’a plus 20 ans. Là ou les jeunes pilotes ne se posent pas de questions, il s’en pose. S’il est revenu à son un état de forme lui permettant d’avoir des ambitions, il n’en est pas moins passé par de graves blessures. Tous les pilotes ne sont pas égaux face aux années qui passent mais Marc Marquez ayant 31 ans on peut difficilement capitaliser sur un avenir à long terme comparable à celui de Martin ou Bastianini.
- L’équilibre dans le box : c’est l’argument le plus régulièrement avancé par les fans de la marque italienne. Marc Marquez a la réputation d’être « sans pitié » avec ses coéquipiers. Il n’a par ailleurs jamais été battu par l’un d’entre eux, bien au contraire. Pecco Bagnaia, en champion du monde qui gagne en confiance, a déjà annoncé que les jeux de pression morale n’avaient aucun effet sur lui. Mais s’il en parle, on peut peut-être en douter? Quoi qu’il en soit, la crainte d’un déséquilibre au sein du box rouge est fondée, les deux protagonistes s’étant par ailleurs affrontés de façon musclée cette saison avec les conséquence que nous connaissons. Conséquences qui l’an prochain pourraient servir un certain Jorge Martin alors parti à la concurrence.
- L’ADN Ducati : le supporters de la marque sont parmi les plus ardents du sport moto. Les pilotes qui montent sur une Ducati doivent avoir le respect de leurs supporters ou le gagner au mérite. Sur ce point, Marc Marquez aura fort à faire pour les convaincre tant son image semble loin des valeurs portées par les rouges.
- Les choix de pilotes Ducati : c’est là l’autre reproche souvent fait les les fans de la marque. La gestion des pilotes. Et ce n’est pas nouveau! On se rappellera entre autres de Jorge Lorenzo, prétendument poussé vers la sortie juste avant de monter en puissance et de gagner des courses. Un rendez-vous manqué comme on en connu d’autre à Borgo Panigale.
Mon point fort, c’est le mental. Les jeux de pression psychologique ne servent à rien avec moi.
Pecco Bagnaia au sujet de son futur coéquipier Marc Marquez

Les arguments en faveur du bon choix
- L’extraterreste : Marc Marquez n’est pas n’importe quel pilote. Il a fait des miracles sur une Honda à l’agonie et parvient durant cette saison à être le meilleur pilote sur la version GP23 de la Desmosedici. Dans une équipe Gresini disposant de ressources moindres que la concurrence, il faudrait faire preuve de peu de discernement pour ne pas y voir une belle performance.
- Jamais battu : Aucun coéquipier n’a jamais battu Marc Marquez. Le constat est sans appel même si en face d’un Pecco Bagnaia au sommet de son art le défi sera le plus important des défis du numéro 93.
- Premier des GP23 : c’est donc une tendance confirmée, à machine égale, Marquez reste le pilote le plus performant. La concurrence est pourtant sérieuse avec notamment Marco Bezzecchi qui était pourtant déjà installé sur une machine Ducati l’an dernier.
- La GP24 : Force est de constater qu’au fil des GP c’est bien la moto de 2024 qui domine le plateau (à l’exception d’un Morbidelli qui est aussi peu inspiré qu’à son habitude ces dernières saisons même si son accident hivernal lui laisse des circonstances plutôt atténuantes). Le grand enjeu sera donc de voir si Marc Marquez peut rivaliser avec son coéquipier italien lorsqu’il aura pris ses marques sur une machine de génération semblable. La vérité du terrain sera la seule réponse objective sur ce point qui soulève de nombreux débats.
Je n’ai pas compris le choix de Ducati parce qu’ils ont perdu deux pilotes comme moi et Jorge mais je respecte cette décision«
Enea Bastianini
- Marquez à la concurence = danger : imaginez l’hypothèse, aussi farfelue soit-elle, d’une autre écurie d’usine (KTM?) offrant un contrat à Marc Marquez en 2025. Si d’aventure cette fiction prenait réalité sous forme d’un titre ce champion du monde, tout le monde s’accorderait pour dire que Ducati à une fois de plus laisser filer un pilote qui aurait dû rester. On se rappellera d’un Jorge Lorenzo bien peu populaire auprès des supporters rouges qui par la suite se voyaient regretter la gestion de son contrat et son départ vers le HRC. Avec la triste suite que nous connaissons pour Por Fuera.
- Le coup marketing : On l’aime ou on le déteste, c’est vrai! Marc Marquez n’en demeure pas moins un animal marketing et la garantie qu’il se passera toujours quelque chose lorsqu’il est au départ d’une course de motoGP. Ceci pris en considération, on peut mesurer le coup marketing effectué par la marque italienne. S’il peut s’avérer être une mauvaise opération en cas de flop, il serait réducteur de résumer le choix de Davide Tardozzi et Gigi Dall’igna à une simple opération de publicité.
- La belle histoire : plus les détracteurs seront nombreux, plus la victoire sera belle. C’est valable pour l’ensemble des champions, plus encore lorsqu’ils sont tombés au plus bas. Car un nouveau titre de Marc Marquez au championnat du monde MotoGP serait un indéniable événement.
- Le palmarès : les chiffres sont les chiffres, Marc Marquez est le plus grand champion sur le plateau. Un aspect qui le rend tout particulier et qui a probablement obligé la direction sportive des rouges à ne pas se limiter au classement du championnat du monde actuel pour faire leur choix. Car, dans les faits, aucun des autres candidats à la moto d’usine n’a de titre de champion du monde en catégorie reine.
« Celui qui parle mal de Marc Marquez ne connaît pas la moto »
Davide Tardozzi
Tout ceci n’est finalement que spéculation et tentative d’y voir clair sur une suite pourtant inconnue. On peut cependant dire sans prendre trop de risque qu’en ce moment Jorge Martin et Francesco Bagnaia sont un cran au dessus du reste du plateau. La vraie question étant de voir si à matériel équivalent Marc Marquez parviendra à s’aligner à leur performances et éventuellement les surpasser. Ce qui reste évidemment à prouver tant les performances de ces pilotes sont impressionnantes. Ajoutez-y le retour en grâce d’un Bestia réveillé par son orgueil et le jeu des chaises musicales en cours et nous avons tous les ingrédients pour penser que, si la saison actuelle est déjà passionnante, la prochaine promet de l’être tout autant.
Crédits couverture photo : X/Michelin